Performance La Pièce distinguée n°45 de La Ribot est une pièce à part. Ne s’inscrivant dans aucune série, elle peut être perçue comme un préambule à la cinquième série, Another Distinguée créée la même année, (la pièce distinguée n°49, Olivia, présente dans la série en est indéniablement inspirée), mais ce serait une affirmation réductrice. Ne […]
Performance
La Pièce distinguée n°45 de La Ribot est une pièce à part. Ne s’inscrivant dans aucune série, elle peut être perçue comme un préambule à la cinquième série, Another Distinguée créée la même année, (la pièce distinguée n°49, Olivia, présente dans la série en est indéniablement inspirée), mais ce serait une affirmation réductrice. Ne nécessitant d’aucun dispositif scénique particulier, cette pièce distinguée se déploie dans les lieux comme on étale un linge pour un déjeuner improvisé sur l’herbe.
Dans cette pièce, La Ribot est accompagnée de Juan Loriente, avec qui elle a collaboré à plusieurs reprises notamment en duo sur Los trancos del avestruz (1993) et Oh! Sole en 1995.
Ensemble ils prennent place sur un tapis de velours émeraude. Couple singulier et endimanché, c’est dans un silence précieux que se déroule l’action. Soigneusement et méthodiquement La Ribot peint son compagnon puis elle-même jusqu’à étouffer la moindre trace de leurs identités. On se souvient des actionnistes viennois lorsque les premiers coups de peintures commencent à recouvrir la figure de Juan Loriente. Cependant cette image s’efface rapidement ; cruelle, la Pièce distinguée n°45 est tout autant empreinte de douceur. Les coups de pinceaux sont prodigués comme des caresses ou des soins délicats. A un moment on croit entendre un cri – ce n’est qu’une bribe musicale bientôt tue – et le silence se réinstalle. Les gestes cesseront, il ne restera de La Ribot et de son acolyte qu’une tâche de couleur, un relief rouge sur un tapis de velours.
La scène rappelle évidemment les pièces distinguées précédentes, Eufemia, 1994, ou Another Bloody Mary, 2000, qui évoquent également l’image d’un crime. Ici aussi la couleur rouge souligne l’acte de violence qui vient de se produire, cependant, à la différence d’Another Bloody Mary qui offre au final un spectacle qui se rapproche d’une image tabloïd, glamour et voyeur à la fois, la Pièce distinguée n°45, nourrie de matière et d’épaisseur, peut provoquer chez le spectateur le sentiment de prendre part à un drame intimiste.
La Pièce distinguée n°45 transgresse frontalement les frontières des disciplines et des arts. Au début, l’action de la pièce est centrée sur le geste de peindre et la peinture finit par recouvrir intégralement le corps des interprètes diluant leur caractère humain pour les sublimer en des sortes de sculptures organiques. Longuement après le dernier geste, les corps gisent par terre, tandis que la peinture se rigidifie sur leurs peaux et leurs vêtements. L’action de la pièce alors s’engouffre dans l’immobilité des corps presque statiques, le spectateur scrutant avidement non plus les interprètes mais une sorte de tableau vivant baroque. L’instant s’éternise dans la contemplation.