Please Please Please

2019
Spectacle/ Danse/ Théâtre Les expressions poétiques chorégraphiques de La Ribot et Mathilde Monnier et le langage théâtral de Tiago Rodrigues se sont rencontrés pour créer à partir de l’urgence d’un monde à venir. Quels mondes, sociétés et histoires léguer à notre descendance ? Quels changements de visions sur l’idée d’espoir divisent donc les générations ? […]

Spectacle/ Danse/ Théâtre

Les expressions poétiques chorégraphiques de La Ribot et Mathilde Monnier et le langage théâtral de Tiago Rodrigues se sont rencontrés pour créer à partir de l’urgence d’un monde à venir. Quels mondes, sociétés et histoires léguer à notre descendance ? Quels changements de visions sur l’idée d’espoir divisent donc les générations ? Partant de ces interrogations aussi cruciales, intimes qu’universelles, Please Please Please réalise une sidérante plongée en trois temps. Pour interroger en résistance cette époque mêlant désarroi et lueurs d’apocalypse. Le désespoir se révèle ici une expression chorégraphique et parlée agissante, résiliente. Enfin, peut-être…

Entre supplique et insistance, le titre de la pièce suggère une demande d’attention. D’écoute. Sur des textes du metteur en scène et dramaturge Tiago Rodriguez cristallisant leurs imaginaires, vécus, songes et réminiscences, les chorégraphes-interprètes Mathilde Monnier et La Ribot inventent une forme de consolation aimante, d’accompagnement. Face à une fin qui vient et la peur qui monte telle une marée. En ouverture, rythmées par le souffle hypnotique d’une batterie, les deux artistes se consument au cœur de gestes et postures de coureuses mises en ritournelles.

Ne jouent-elles pas dans leurs répertoires respectifs de l’épuisement paradoxalement vitaliste ? Mais aussi de la répétition, des limites et tensions qui traversent les corps pris dans un éternel mouvement, principale issue la disparition qui les guette. Ainsi pour La Ribot, Laughing Hole travaillant le rire mis en boucle face à une actualité tragique oubliée à force d’être répétée. Et chez Monnier, Twin Paradox, inspiré des marathons dansés des années 20-30 dans l’Amérique en crise économique. Sans oublier la pièce qui les as réunies, Gustavia et son appropriation détournée des outils du burlesque. Ainsi la reprise mécanique du même geste.
Délicat de se projeter dans l’avenir quand la terre part en vrille. Direction les souvenirs déclinés en histoires. D’une serveuse débouchant sur le désert de cendres d’Hiroshima à la reine d’un lent monde souterrain, on chemine par une saisissante mise en perspective de l’effondrement des civilisations amérindiennes, fruit du
génocide perpétré par les conquistadors. Les deux protagonistes courent et dansent sur place, résistent comme on respire. Spontanément, par pur réflexe. Cette parade vitale soigne ses évocations. Dont une poignante lettre au père que tout semble opposer à la fille adolescente. Et pourtant… Au terme de chaque
récit, le retournement, le twist, la surprise.
Du cauchemar à la Kafka d’un « maxi-monstre » échoué au plateau une forme indécise – d’une, planète ou d’un ver assoupi. N’a-t-elle pas la douce étoffe d’un doudou enfantin ? Les cafards, eux, sont les insectes les plus connus pouvant survivre à la disparition de l’humanité. La Ribot et Monnier les imaginent mêlant
frénétiquement au cœur de leurs mouvements des reliques de danses qui ont traversé les époques et leur répertoire. Sans oublier de porter un regard de chorégraphes entomologistes sur la fascinante danse des cafards qu’elles conduisent. Comme un possible clin d’œil au parasite humain de La Métamorphose signée Kafka. Le tout sur fond de quatuors à cordes signés Bartok et leurs vertigineuses guirlandes rythmiques aux accents de danses populaires évoquant les percussions.
Pour la troisième séquence, le dialogue entre une mère et sa fille nouvellement née part de là. L’une fait serment de protéger éternellement la chair de sa chair. L’autre s’y dérobe pour sa mère devenue vieille dans un monde qui a mis le cap sur l’invivable.

Marathonien.n.es existentialistes mettant le corps à l’épreuve, La Ribot, Monnier et Rodrigues excellent à révéler et questionner les soubassements de constructions/illusions scéniques et psychiques, sociales et lexicales. Ensemble, le trio cultive ouverture, complicité et simplicité. Pour le seul temps qui existe, celui d’une rencontre voulue avec le public. Leur ADN dansé, dit et pensé épouse alors la fragile résistance et incertitude de nos vies.

Bertrand Tappolet

crédits

Please Please Please
un spectacle de La Ribot - Mathilde Monnier - Tiago Rodrigues
avec La Ribot, Mathilde Monnier
lumière Éric Wurtz
traduction Thomas Resendes
scénographie Annie Tolleter
réalisation scénographie Christian Frappereau, Mathilde Monier
costumes La Ribot, Mathilde Monnier
réalisation costumes Marion Schmid, Letizia Compitiello
création musique et régie son Nicolas Houssin
direction technique et régie lumière Marie Prédour
régie plateau Guillaume Defontaine
chargée de production Hélène Moulin
diffusion internationale Julie Le Gall – Bureau Cokot
production Nicolas Roux
remerciements Magda Bizarro
Production déléguée Le Quai Centre Dramatique National Angers Pays de la Loire
Avec le soutien de la Fondation d’entreprise Hermès dans le cadre de son programme New Settings
En coproduction avec Teatros del Canal, Madrid (Espagne) ; Théâtre Vidy-Lausanne (Suisse) ; Les Spectacles vivants – Centre Pompidou ; Festival d’Automne à Paris ; Comédie de Genève (Suisse) ; Teatro Nacional D. Maria II, Lisbonne (Portugal) ; Teatro Municipal do Porto (Portugal) ; Le Parvis scène nationale Tarbes Pyrénées ; Theaterfestival Boulevard (Pays-Bas) ; Les Hivernales - CDCN d’Avignon ; BIT Teatergarasjen, Bergen (Norvège) ;
Compagnie MM ; La Ribot-Genève. Avec le soutien de OPART/Estúdios Victor Córdon et du CND Centre national de la Danse – Pantin.
durée estimée 1h

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